Et le sang des innocents continue de couler.
Session nr 2 du 17 mars 2024 – original en Français.
Lieu : Mezzaverde en Belgique
Commentaires de Wivine dans et après l’article de Reporterre.
Enquête —
Mines et métaux
Les
matières premières
Un enjeu caché
de la guerre en Ukraine.
Article
de Reporterre – le media de l’écologie
Le 9
décembre 2022.
https://reporterre.net/Un-enjeu-cache-de-la-guerre-en-Ukraine-les-matieres-premieres
L’accaparement des matières
premières enfouies sous le sol ukrainien est à la racine d’un conflit où les
voix des puissances nationales et industrielles priment sur celles des
Ukrainiens.
Titane, pétrole, fer, gaz,
manganèse… Le contrôle des ressources fossiles et des minerais enfouis dans le
territoire ukrainien est au cœur du conflit. Et prend la priorité sur
l’environnement et les intérêts des populations.
L’invasion russe de l’Ukraine,
commencée en 2014 par l’annexion de la Crimée et du Donbass, est la triste
projection de la nouvelle identité nationale façonnée par Vladimir Poutine
depuis son arrivée au pouvoir, militariste, expansionniste et anti-occidentale.
Galia Ackerman
a brillamment décrit dans Le Régiment immortel (éd. Premier Parallèle, 2019) cette politique
qui a cimenté la société russe autour d’un messianisme nostalgique de la Grande
Russie, dont l’Ukraine ferait partie intégrante.
Note Wivine : Je pense qu’il s’agit d’une vision subjective
occidentale qui s’est glissée ici, dans laquelle quelques détails importants du
passé proche de la politique occidentale en Ukraine ont été laissés de côté
pour qualifier la Russie d’agresseur, c’est-à-dire de mauvais.
Toutefois, cela ne change rien aux faits. Mais cela change la perception des
citoyens, qui ont tendance à considérer tout et tout le monde en termes de « bien
et de mal » ou « nous sommes les bons et les autres sont les méchants ».
Tout ce que font les bons est toujours acceptable.
C’est un vieux truc, qui fonctionne encore aujourd’hui, pour
attiser la haine envers nos semblables. J'ai étudié la psychologie à
l'Université de Bruxelles il y a plus de 50 ans. À cette époque, des tests
étaient déjà effectués sur des étudiants pour voir comment les gens se
faisaient des jugements sur les autres. Comment manipuler l’opinion des gens.
C'est pourquoi je peux si bien le reconnaître et qu’il m'est plus facile
d'éviter le piège du « je suis le bon et l'autre est le méchant qui
doit être puni ».
Je suis aussi belge, flamande par mon père. Pendant des
années, j'ai dû observer comment les Flamands étaient opposés aux Wallons à
travers la politique et les médias. Dès lors, j'ai eu des problèmes avec mes
amis wallons qui se sentaient attaqués – et aussi avec mes amis flamands
lorsque je voulais défendre les Wallons. C'était une période terrible pour moi.
Cela s'est calmé maintenant, mais n’a pas complètement disparu. Lorsque je
voyage dans d'autres pays, même hors d'Europe, et qu'on me demande de quel pays
je viens, je réponds la Belgique. Alors vient la 2ième question : du nord ou du sud ? Je réponds du nord. Je
reçois ensuite un regard dédaigneux et la conversation amicale s’arrête de
suite. Car à un moment donné, les médias ont donné une image négative du peuple
flamand dans le monde entier. Même au Belize, c'était dans les journaux et ces
gens ne savent même pas où se trouve la Belgique.
Pouvez-vous imaginer ce que cela fait ? Provenir d’une population
stigmatisée dans le monde entier pour les intérêts de groupes politiques et
financiers qui ne se soucient même pas des gens ? On ne peut pas se défendre
contre cela. Combien de sang coule-t-il encore partout dans le monde pour ces
raisons ? Poursuivez votre lecture et j'espère que tout le monde comprendra que
la haine et la diffamation sont des moyens d'opposer une population à une
autre, de sorte que les guerres et les mouvements terroristes continuent
d'exister. Il existe des régions dans le monde où des accords de paix ne
peuvent apparemment jamais être conclus et où la violence est justifié pour obscurcir
les véritables objectifs de ceux qui détiennent le pouvoir financier et
politique ayant des objectifs idéologiques, politiques et financiers à très
long terme.
Continuez à lire – la géopolitique est un sujet
intéressant que je suis depuis plus de 10 ans. S’il y a un conflit quelque
part, j’enquête immédiatement sur ce qui se trouve dans le sol ! Même
l’approvisionnement en eau peut constituer un objectif stratégique pour
certains pays et régions.
Mais ce conflit est aussi un
affrontement pour les métaux, le pétrole et le gaz qui n’a cessé de
s’intensifier depuis 2014. Car le rapprochement des gouvernements ukrainiens
avec les puissances occidentales a permis aux États-Unis et à l’Union
européenne de planifier l’extraction des matières premières de ce pays
richement doté. Un casus belli pour Moscou.
Rapprochement entre l’Ukraine et
l’Ouest, perte d’accès et de contrôle des matières premières : c’en a été trop
pour la Russie de Vladimir Poutine.
En 2010, d’importants gisements de
gaz de schiste ont été découverts en Ukraine. Le plus considérable se situe à Yuzivska dans la région de Kharkiv, à l’est du pays. Ses
réserves correspondraient à un tiers de la consommation annuelle de gaz de
l’Ukraine.
En 2013, les permis ont été
attribués aux sociétés étasuniennes Shell et Chevron.
Sur fond de corruption : le ministre
des Ressources de l’époque, Mykola Zlochevsky, était aussi président de la Burisma
Holdings, l’une des plus grandes sociétés gazières privées d’Ukraine. Ce
groupe, réputé proche de Joe Biden, a recruté son fils Hunter Biden à son
conseil d’administration en 2014.
Le gigantesque projet d’extraction
de Yuzivska a déclenché l’opposition des habitants de
la région, qui se sont mobilisés contre les pollutions des eaux qui
résulteraient de la fracturation hydraulique, technique interdite en France.
Mais cette campagne, affirme le centre de communication stratégique ukrainien,
a été instrumentalisée par la Russie, « d’ordinaire complètement indifférente
aux questions environnementales » : ce pays aurait largement appuyé le
mouvement « Le gaz de schiste est la mort du Donbass ».
Les réserves de gaz les plus
importantes d’Europe
En effet, alors que l’Ukraine vit
sous la dépendance de la société russe Gazprom, elle disposerait des réserves
de gaz les plus importantes d’Europe après la Russie. L’exploitation de ces
réserves lui aurait permis non seulement de devenir plus autonome, mais aussi
de permettre à des entreprises étasuniennes d’exporter son gaz en Europe au
détriment de Gazprom.
Un scénario semblable s’est déroulé
au large de la Crimée à la même période. À la suite de la découverte
d’importants gisements pétroliers et gaziers en mer Noire, Exxon Mobil, Shell
et Chevron ont obtenu en 2012 des permis d’exploration.
Fin novembre 2013, l’Ukraine a
également signé avec EDF et l’italien ENI un accord pour l’exploitation
d’hydrocarbures à l’est de la Crimée visant à produire 3 millions de tonnes de
pétrole par an. Tous ces projets ont été soit abandonnés, soit mis en suspens
par l’annexion de la Crimée, note Maksym Bugriy, analyste ukrainien.
Selon Robert Muggah,
du cabinet d’analyse stratégique canadien SecDev, les
conquêtes de 2014 ont permis à la Russie
de contrôler la moitié du pétrole conventionnel de l’Ukraine, 72 % de
son gaz naturel, et l’essentiel de sa production et de ses réserves de charbon.
Ces dernières sont situées dans le Donbass, jadis l’un des principaux sites de
production houillère de l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques)
et région natale de Stakhanov, le mineur de charbon devenu la figure légendaire
du travailleur soviétique.
Un sous-sol stratégique
Depuis l’invasion lancée en février
2022, la Russie aurait pris possession de 41 mines de charbon, d’une
cinquantaine de sites gaziers et pétroliers et d’une dizaine de gisements
miniers stratégiques, selon SecDev.
En effet, c’est aussi une bataille
pour les métaux qui se joue en Ukraine. Le sous-sol du pays recèle des
gisements considérables estimés par les services de géologie ukrainiens à une
valeur de 7 500 milliards de dollars. L’Ukraine est classée au cinquième rang
mondial pour ses réserves en fer, en graphite et en manganèse — deux éléments
critiques pour la production de batteries électriques.
Elle est aussi sixième productrice
mondiale de titane, métal stratégique pour la production aéronautique, et
recèle d’importants gisements de lithium, de cuivre, de cobalt et de terres
rares, utilisés aussi bien dans le domaine énergétique que dans l’électronique
et la défense. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a conclu en
juillet 2021 un partenariat avec l’Ukraine pour les métaux stratégiques et les
batteries, une coopération amorcée et progressivement renforcée depuis 2014 ( après le coup d'État de
Maïdan et la destitution du président démocratiquement élu qui préférait de
bonnes relations avec la Russie), après l’arrivée au pouvoir du
gouvernement pro-occidental de Porochenko.
Ce partenariat répond à la volonté
de l’Union européenne — et plus largement de l’Otan — de sécuriser les
approvisionnements en matières premières de son industrie face aux monopoles
chinois et russes. En théorie, il s’agit de métaux « pour la transition » ; en
pratique, la visée est bien plus large.
Il permettrait par exemple d’assurer
des importations de
-titane, décisives pour Airbus et
Safran ;
- de zirconium, utilisé aux trois
quarts pour le nucléaire ;
- de scandium, sous-produit de la
métallurgie du titane utilisé dans les piles à combustible et les alliages
ultralégers de l’aéronautique ; ou encore
- de molybdène, employé dans les
superalliages, les écrans et les puces électroniques.
- Pour la fabrication de
semi-conducteurs, l’industrie étasunienne est par ailleurs dépendante à 90 % du
néon de qualité ultrapure produit à Odessa à partir du gaz issu des aciéries.
En amont de ce partenariat,
l’Ukraine s’était engagée à privatiser ses mines et son industrie
métallurgique, à collaborer avec les services géologiques européen (EuroGeoSurveys) et étasunien (USGS) et à réaliser en
anglais un « Atlas de l’investissement » cataloguant les gisements de métaux
critiques disponibles. Selon Ukraine Invest, il recensait 8 761 gisements en
2021.
Le gouvernement Ukrainien a commencé
à vendre ses permis miniers par le biais d’enchères électroniques à partir de
2016.
Entre 2018 et 2021, le nombre de
permis attribués est passé de 150 à 377 et le nombre d’enchères électroniques
de 10 à 160.
En 2019, Metinvest,
société métallurgique de Rinat Akhmetov,
l’homme le plus riche d’Ukraine, s’est associé au géant Glencore,
basé en Suisse, pour exploiter l’un des principaux gisements de fer du pays, à Shymanivske, non loin de Zaporijia.
Bataille pour les ressources
En 2021,
-
la société
autrichienne European Lithium a obtenu les gisements
de lithium du pays dont celui de Shevchenkivske,
situé dans le Donbass.
-
Les mines de graphite de la région de Mykolaïev,
dans le sud du pays, ont été attribuées à l’entreprise australienne Volt Resources.
-
Après l’invasion de la Crimée, le géant russe*** DF a été
dessaisi de ses mines de titane,
(***Note
Wivine : le Groupe DF est un groupe international d'entreprises dont les
investissements majeurs sont concentrés dans les activités d'azote, de titane
et de gaz. Ils possédait l’exploitation d’une mine de Titanium en Crimée. Le
fondateur du Groupe DF est Dmitry Firtash,
un éminent homme d'affaires, philanthrope et investisseur ukrainien dans le
domaine du gaz. Ce n’est pas un groupe russe.)
-
tandis que les autres gisements du pays sont désormais
exploités par l’entreprise ukraino-étasunienne
(Ukraine + USA) Velta Resources.
Ces gisements sont aussi
stratégiques pour les pays de l’Otan qu’ils le sont pour la Russie.
Pour Olivia Lazard, de l’Institut
Carnegie, « son intention est clairement d’accéder aux mêmes ressources dont
l’Europe a besoin pour appliquer sa loi pour le climat ».
La Russie est déjà la 2ième
productrice mondiale d’aluminium et la 1ière exportatrice mondiale de nickel,
utilisé pour les batteries. Elle domine également le marché du palladium
servant notamment à la production de piles à combustible.
La dépendance des acheteurs
occidentaux à ces matières premières est telle que la bourse des métaux
de Londres a renoncé à interdire la vente de métaux russes (suite aux sanctions contre la Russie).
Selon Olivia Lazard, Moscou cherche
à se tailler une place dans les nouveaux marchés de l’énergie tout en
renforçant son statut de grande puissance exportatrice. C’est pourquoi il
faudrait replacer l’offensive en Ukraine dans le contexte plus large des manœuvres
du groupe Wagner, entreprise mercenaire informellement liée au Kremlin, dont le
propriétaire dirige aussi des sociétés d’extraction comme Lobaye
Invest, désormais présent dans des pays africains richement dotés en ressources
minérales comme le Mozambique, Madagascar, la République Centrafricaine et le
Mali ».
L’agression russe de l’Ukraine a
donc aussi pour toile de fond cet affrontement pour l’approvisionnement en
matières critiques, dont la première victime est la population ukrainienne.
Affrontements géopolitiques et
projets extractifs relèguent la population ukrainienne loin au second plan.
Le 16 novembre 2022, à Bruxelles, le
Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal, et le
ministre des Ressources naturelles, Ruslan Strilets, ont participé à la ‘Semaine des matières
premières’ qui s’est tenue à Bruxelles en présence de Maroš
Šefčovič, commissaire européen et
initiateur du partenariat sur les métaux avec l’Ukraine.
Ce dernier a rappelé à cette
occasion les termes du partenariat : « Il aidera l’Ukraine à intégrer l’UE,
et il représente pour l’Union européenne un élément essentiel pour consolider
notre approvisionnement en matières premières et notre statut géostratégique.
»
Malgré les bombardements, le
ministre Ruslan Strilets a
assuré que la réforme du Code minier (Ukrainien) était presque terminée et que
le cabinet qui délivre les permis était opérationnel, « au service des
investisseurs qui se présenteront après la guerre, et même avant la victoire
Ukrainienne ».
Jürgen Rigterink,
vice-président de la Banque européenne de développement, a précisé que
celle-ci était le principal investisseur dans le pays, à hauteur de 19
milliards d’euros, des fonds grâce auxquels «l’Ukraine pourrait devenir
une superpuissance des ressources ».
Quelle indépendance face aux
intérêts européens ?
L’Ukraine rêve d’indépendance, et
c’est la raison pour laquelle une majorité d’Ukrainiens a soutenu son
rapprochement avec l’UE. Mais quelle marge de manœuvre restera-t-il aux
dirigeants du pays quand il faudra rembourser les dizaines de milliards d’euros
de prêts contractés auprès de la BERD, de la Banque mondiale, des États-Unis et
des pays européens qui convoitent ses ressources naturelles ?
« Nous allons non seulement
reconstruire l’Ukraine, mais nous allons la reconstruire en mieux, en plus vert
», a assuré Maroš Šefčovič
aux ministres ukrainiens le 16 novembre 2022.
Mais peut-on reconstruire l’Ukraine
« en plus vert » en faisant du pays le paradis minier de l’industrie européenne
? On sait pourtant que l’extraction minière est le secteur industriel le plus
polluant et le premier producteur de déchets au monde.
Qu’en pense la population
ukrainienne ?
Depuis 2004, les habitants de la
région de Marioupol, dans le Donbass, s’opposent à l’exploitation du gisement
de terres rares et de zirconium d’Azov en raison des risques de pollution
radioactive et ont obtenu deux fois l’interruption de la délivrance d’un
permis. La dernière mise aux enchères du gisement en janvier 2021 a déclenché
de grandes manifestations dans les districts de Manhoush
et de Nikolske.
Une fois la guerre terminée, les
Ukrainiens n’auront-ils pas la mauvaise surprise de découvrir que pendant
qu’ils tentaient de survivre aux assauts et aux bombardements russes, leurs
régions ont été vendues aux entreprises minières et gazières ?
Note Wivine :
C’est aussi pour ces
raisons que le sang des innocents continue à couler dans le monde entier depuis
des centaines d’années !
Qui sont les bons ? Qui sont
les Mauvais ?
Il y a certes d’autres
moyens pour s’entendre et se partager les ressources sans devoir les voler, sans
faire couler le sang en montant des populations l’une contre l’autre, en gardant
des populations entières dans la pauvreté sans aucun espoir d’amélioration.
Les peuples le sentent
intuitivement, quelque chose bouge dans leur cœur et ils reprennent espoir. Des
Chefs d’Etats se sont levés et se lèveront encore dans le monde entier avec une
perspicacité, une morale et une éthique bien plus élevée. Une nouvelle
génération, une jeunesse différente est nés qui changera la face du monde.
Le temps des justes
est arrivé, les dés sont jetés et la roue tourne infailliblement vers le
bonheur et la paix intérieure et extérieure.
Fin.
GROUPE MEZZA VERDE.